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18 novembre 2014 2 18 /11 /novembre /2014 09:28
3e-F-1987.jpg Salle 22, Collège d'Ussel Classe de 3eF, 1987.                                         La salle 22 que j' ai occupée durant plus de dix ans .  

                                                         En dehors des convocations faites par le professeur lui-même, les parents d'élèves étaient tous conviés, au moins une fois par an, à rencontrer les professeurs de la classe. C'était une soirée importante, fréquentée par des centaines de parents (pour un collège de 700 familles environ en 2008), qui pouvait durer de 17 h à 22 h ou plus. Les parents tenaient à voir le "professeur principal" (professeur coordinateur des résultats de l'élève dans la classe) surtout. Ces soirées étaient un véri-table rite, un échange essentiel ; et je les ai toujours traitées avec beaucoup de sérieux et de conviction. Le professeur attendait les familles dans sa cla-sse, faisant entrer les personnes (en général père, mère et élève ; mais, le plus souvent, l'élève n'assistait pas à l'entretien) à tour de rôle, pour un temps donné approximatif (un quart d'heure environ), que j'indiquais dès le début, sous peine de ne pouvoir recevoir tout le monde. Car, dans le cou-loir, devant la porte, une longue file attendait souvent. J'ai toujours fait en sorte d'accueillir au mieux les familles, dans nos modestes salles de cours, sur un très vieux plancher brut, entre des tables hétéroclites et vieilles. J'installais une grande table pour deux, entourée de deux chaises, face à une table individuelle où je prenais place. Une vraie proximité donc, que je m'efforçais de rendre aussi cordiale et respectueuse que possible. La vo-lonté d'être utile et aimable suppléaient la grande simplicité, l'austérité des lieux.  

                     La difficulté que j'ai constamment ressentie était de dire la vérité aux parents, sans jamais décourager personne, sans jamais blesser non plus, bien sûr. L'attente, les espoirs et l'amour des familles pour leurs enfants sont si grands que l'on est ému, tout à l'écoute, et profondément soucieux d'être constructif et rassurant. Beaucoup de parents font des con-fidences précieuses, troublantes même, pour mieux faire connaître leurs enfants ; et je ne me lassais jamais (l'horloge heureusement veillait) de les écouter,d'essayer de comprendre avec eux comment mieux faire réussir leur progéniture. Je prenais des notes précises. Il fallait toujours, selon moi, quel que que fût l'échec en fait de l'élève, mettre le doigt sur l'aspect positif, et finir par une détermination commune et l'espoir. A vrai dire, le plus pénible était de trouver un terme aux compliments que méritaient cer-tains, car ce n'était jamais assez pour les heureuses familles ; et la rencon-tre alors, tout en restant psychologiquement riche, servait peu. Il valait mieux consacrer son temps aux élèves "en difficulté",comme on dit. Hélas ! j'ai souvent attendu vainement des parents d'élèves "à problèmes" : pour quantité de raisons, ce sont eux qui venaient le moins.

                     Mais que ces rencontres étaient humainement passionnan-tes ! Rien n'est plus émouvant que de voir vivre devant soi la passion, le souci des parents pour l'éducation de leurs enfants ; leurs attentes, leur grande confiance en général aussi dans le système éducatif et dans les pro-fesseurs. Le regard que l'on jetait sur tel élève en sortait souvent changé, nombre de parents révélant des faits, des détails qu'ils étaient seuls à con-naîre. Plusieurs fois, j'ai revu des parents dont j'avais déjà eu une fille, un fils en classe. C'était de joyeuses retrouvailles. Plusieurs fois aussi, j'ai ren-contré une mère, un père que j'avais eu comme élève quelques années au-paravant. Le plaisir était grand, comme si j'étais désormais un peu de la fa-mille. Je veux dire, donc, que ces rencontres ne se limitaient vraiment pas au terrain pédagogique ; et que leur plus grand intérêt, selon moi, résidait dans le partage humain,les uns et les autres étant d'abord satisfaits de met-tre un visage à des personnes qui sortaient ainsi du pur anonymat adminis-tratif en s'incarnant. 

                     J'ai beaucoup appris de ces rencontres. J'en suis sorti toujours réconforté, encouragé dans mes efforts de professeur, malgré les rares in-compréhensions qui pouvaient se manifester. Aussi, ai-je toujours accep-té volontiers, en plus de ces soirées programmées, les rendez-vous parti-culiers que souhaitaient les parents-d'élèves. De toute façon, selon moi, ces rencontres permettaient de mieux comprendre, d'éclairer le rapport avec les élèves. Ils ne devaient toutefois  jamais, je le pense fortement, bouleverser le rapport en classe avec l'élève : ce rapport est l'essentiel, et il appartient au professeur seul d'en établir la nature, d'en trouver l'équilibre juste, en faisant la part de toutes les informations obtenues.     

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