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10 janvier 2014 5 10 /01 /janvier /2014 18:30

SAM_6348.JPG                                                                              Dans la pratique pédagogi-que, il paraît nécessaire de retenir, dans une hiérarchie décroissante, les niveaux de langue suivants : soutenu (ou littéraire), courant-standard, fami-lier, populaire ; encore que ces deux derniers se confondent dans quantité de cas. Quant à la la hiérarchie elle-même, il faut la traiter avec prudence et sans exclusion a priori, chaque niveau, autant à l'oral qu'à l'écrit, ayant une fonction précise - souvent indispensable - dans une situation particulière (contexte) d'énonciation. Que seraient, sans ces niveaux, souvent savou-reux, quantité  de  grands  écrivains, depuis  Aristophane  et  Rabelais  au moins : les Queneau, Vian, Prévert et autres Céline ... ? Prenons un exem-ple, celui du véhicule à quatre roues, d'un riche échantillon de niveaux :  au-to (courant), voiture ou automobile ou véhicule (soutenu), bagnole (fami-lier), caisse ou char (populaire) ; sans parler, entre autres, de clou, tacot, guimbarde, poussette, tire ... qui sont également populaires (voire argoti-ques, ainsi pour tire)  mais avec une connotation (métaphorique souvent) péjorative. Aucun de ces termes désignant une auto n'est à proscrire a prio-ri : l'important est de les utiliser et tolérer à bon escient seulement, ce que font, du reste, depuis toujours, les prosateurs et poètes eux-mêmes donc. Que seraient, encore une fois, Cendrars, Aragon, Houllebecq ... et nombre de bons auteurs de polars sans cet évantail coloré, infini  des  niveaux  de  langue                       

                            Le seul niveau qui soit à exclure sans concession est le vulgaire.Il ne faut jamais le tolérer, même pour rire, comme on dit sans bon-ne raison, car il ouvre la porte (le professeur doit apparaître comme la réfé-rence) aux abus, aux défoulements, aux chahuts qui dégénèrent vite. Et pourtant, bien sûr, les élèves, entre eux, outre qu'ils ont leur vocabulaire, ai-ment cette transgression qu'opère le vulgaire : le mot de Cambronne et cet-te autre grossiéreté de trois lettres (véritable ponctuation mécanique même dans certaines régions ou situations de locution !) ont un succès que cha-cun connaît. 

                Après ces considérations un peu rébarbatives, sans doute, sur la problématique des niveaux de langue (considérations pourtant limitées ici à ma propre expérience, encore une fois), voyons, dans la pratique, en clas-se, comment répondre, selon moi, aux situations concrètes d'enseignement et d'utilisation de la langue prise sous cet aspect particulier. 

               Eh bien ! j'ai toujours pratiqué les règles ci-dessus invoquées. En classe, s'en tenir à la langue dite courante/standard pour les échanges or-dinaires et l'enseignement oral ou écrit au tableau. D'ailleurs, le premier cours de grammaire (car j'en ai toujours fait tels quels, malgré des repro-ches officiels, et avant que les consignes le préconisent à nouveau ...) com-mençait toujours par une considération sur les niveaux de langue, et sur le niveau central auquel devait concourrir mon enseignement. Ensuite, cha-que fois qu'un autre niveau était rencontré, il était expliqué et justifié (par exemple chez Corneille ou Racine, ou en poésie). L'emploi des subjonctifs dans la langue littéraire ou classique généra quelques difficltés (que le cours de grammaire éclaira). Le Corneille du Cid, dans sa langue claire et sans date presque, utilise beaucoup le présent et le présent de narration. Mais parfois, comme dans son explication au Roi, après la mort du Com-te, Don Diègue dit : "Si Chimène se plaint qu'il a tué son père, Il ne l'eût jamais fait si je l'euse pu faire". L'Andromaque de Racine - et Racine en général - contient beaucoup plus d'emplois du subjonctif aujourd'hui évités. Pyrrhus, disant son amour fou à Andromaque dans l'acte I, assure, invo-quant les Grecs devant Troie :"Mais dussent-ils encore, en repassant les eaux, Demander votre fils avec mille vaisseaux, Coutât-il tout le sang qu'Hé-lène a fait répandre, Dussé-je après dix ans voir mon palais en cendre, Je ne balance point, je vole à son secours". Cette belle langue classique fut toujours, d'ailleurs, un bon appui pour parler d'histoire de la langue et des niveaux littéraire et soutenu eux-mêmes.                                                                   Même démarche chaque fois aussi qu'un élève employait un niveau particulier ; et, s'il échappait une, disons, grossiéreté, il devait immédiatement présenter ses excuses (un emploi clai-rement volontaire entraînait une punition). Les élèves en étaient bien sûr a-vertis préalablement, parfois dans un Contrat  écrit  de classe, comme je l'ai expliqué dans un article précédent. En fait, souvent, ces échanges é-taient des occasions de rire ensemble. Ainsi à propos de l'énergie farouche de Rodrigue vengeant son père, quand un élève commenta qu'il était vrai-ment crâneur ; ce qui permit du même coup de parler de crâne, qui, vieil-li, signifie brave. Même démarche, même éclats quand un autre employa bé-zef pour signifier beaucoup (normal) ; maints, nombre, quantité (soutenu), vachement (familier) arrivèrent alors tout naturellement. Quant au ouais (Robert le dit mod. et fam.) qui se veut détendu, décontracté disons, il est aussi à refuser : il ouvre la porte au laisser-aller, au manque de respect ... ; et seul le oui doit être accepté en classe (hors de tout contexte qui  justifie-rait cette familiarité). La classe n'est pas la cour de récréation.    

            Pour les travaux écrits  demandés aux élèves, même règle. Au-cun niveau (hors donc le grossier) n'était interdit, à condition qu'il soit jus-tifié par le contexte (situation d'énonciation) ; et, mieux encore, que la copie fasse comprendre, sentir, le choix fait. En effet, un niveau mal employé fai-sait, c'est normal, l'objet  d'une  note   dans la   copie, avec consigne  de  le  corriger.   

          Ce ne fut pas toujours aisé, on le comprend, d'autant que le niveau courant/standard évolue dans les dictionnaires ; et que donc, hélas ! les grammaires utilisées survolent ou ignorent ce questionnement sur la lan-gue et son enseignement. Ce fut, d'un autre côté, raisonnablement facilité pour moi par le fait que le Collège d'Ussel, où j'ai le plus longtemps exercé, connaissait peu encore les incivilités et la violence, qui entravent ou empê-chent toute obéissance et un appprentissage serein, appliqué de la langue française. Je sais combien les problèmes de discipline, ailleurs, dans les grandes villes ..., limitent ou interdisent ces apprentissages. Etre profes-seur dans une petite ville - le Collège, néanmoinsSAM_6354.JPG, compta jusqu'à plus de 1000 élèves - offre également bien des avantages et des gratifications, on le voit ...   SAM_6356.JPG

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