26 décembre 2013
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Ainsi que je l'ai annoncé en avril 2010, à propos du problème de l'autorité du professeur prise en défaut, j'examinerai ici la question des "niveaux de langue" dans l'enseignement, en Collège d'abord, là où j'ai surtout exercé. Il s'agit à la fois de la langue qu'utilise le professeur et de la langue qu'il est censé enseigner ; les deux ac-tes étant bien sûr liés. Utiliser avec clarté et constance la langue française "correcte" (terme à préciser ci-dessous) en classe, puis l'enseigner et l'exiger des élèves (dans les limites que j'exami-nerai plus tard) est autant un problème de pédagogie (le profes-seur de français est là pour cela) que d'autorité. Autorité, parce que tout laisser-aller dans le langage du professeur (tenté par la démagogie ou le jeunisme par exemple) rabaisse peu à peu son image aux yeux des collégiens (même s'il a cru d'abord se rappro-cher d'eux et gagner leur sympathie), qui se croient alors autori-sés à parler familièrement au mieux, ou comme dans la cour tout simplement. Dès lors, le désordre, l'effronterie et même la grossi-éreté menacent, que le professeur ne contrôlera plus vraiment, surtout s'il a lâché par faiblesse ou peur dans d'autres domaines de la vie en classe. Non : il faut, à partir des Instructions officielles, savoir clairement quelle langue française on se propose d'ensei-gner, s'y tenir, être exigeant, ferme tout en étant ouvert - explica-tions à l'appui - aux autres niveaux de la langue, justement, que le correct-courant. Il reste à en parler donc. De toute façon, le délitement de la langue, le laisser-aller contribuent fortement, comme le dit A.Finkiel-kraut dans L'identité malheureuse, au "délitement de l'enseignement".
Examinons d'abord la question des Instructions offi-cielles en la matière. Autant dans ma formation (rappel utile, je crois : 7 ans à l'Université, dont une hypokhâgne et une année CPR - Centre Pédagogique Régional - consacrée à la préparation de l'Agrégation, le tout à Toulouse) que dans les manuels et les Instructions et Consignes, j'ai peu ou pas été informé, formé sur les niveaux ou registres de langue. Aucun cours n'en parla ; les profes-seurs parlaient, disons, un langue courante, plus ou moins soute-nue ou familière selon l'âge ou le tempérament du professeur. Dans le Conseil National des Programmes (Luc Ferry, rentrée 2001), on cherche vainement une information ; juste, dans les Objectifs généraux du français : "(...) les élèves (...) étudient les niveaux de langue (familier, correct, recherché) appropriés aux différentes situations". C'est fort peu !
Et les manuels de français, textes ou grammaires proprement dites, sont aussi chiches ( adjectif qualifié, juste-ment, de vieilli par le Robert ; l'averbe, lui, étant qualifié de familier avec une connotation de moquerie - d'où mon choix ici ) ou flous. Pratiquement, tous donnent ce minimum de trois niveaux de langue hiérarchisés, liés, par eux, le plus souvent, à la classe so-ciale de l'utilisateur, à la situation d'énonciation ( contexte de l'é-change, nature du locuteur - celui qui parle - et du destinataire) et à l'intention, à la recherche d'effets ... de celui qui parle ou é-crit. Je ne donnerai que quelques exemples empruntés à des ma-nuels utilisés en classe avec les collégiens.
Pour commencer, donnons cette observation du Précis de grammaire historique de la langue française (1964) de F.Brunot et Ch.Bruneau, très prisé à l'Université dans les années 60. Dans "Le vocabulaire commun", on lit : "Du point de vue du vocabulaire, il n'existe pas une langue française, mais plusieurs. La langue commu-ne comprend la langue écrite, avec sa forme supérieure, la langue littéraire, et sa forme inférieure(la langue des journaux, par exem-ple), - et la langue de la conversation (langue parlée). A côté de cette langue commune, il existe, au point de vue des choses, des langues techniques ; au point de vue social, des bas-langages, parmi lesquels se classent, hors de Paris, les français dialectaux, les dia-lectes et le patois." (italiques des auteurs). Rien de plus, et rien sur les niveaux de langues comme tels. Position claire mais figée, sinon vieillie, qui aide peu à l'enseignement du français en classe.
Published by baturo